Depuis 20 ans, le Sgen CFDT, avec d’autres organisations, a multiplié les alertes sur l’amiante. La récente diffusion de la série documentaire « Vert de rage » pousse enfin le ministère à agir sur le sujet. Une enquête nationale vient d’être lancée dans l’enseignement scolaire.
Pour le Sgen et la CFDT, l’amiante a toujours été un sujet central pour la santé au travail des salarié.e.s et des agent.e.s.
Une urgence remise au premier plan par le documentaire « vert de rage »
Un travail rappelé par Jean-Marie Shléret, ancien président de l’ONS, dans la série de reportages documentaire « Vert de rage » diffusé en juin 2023 et mars 2024 sur France 5.
Cette série documentaire révèle la présence et surtout la dégradation des matériaux amiantés dans un tiers des écoles étudiées.
Elle a remis au premier plan l’urgence sanitaire en mettant en avant une situation bien plus grave que celle décrite habituellement par les autorités. La dernière enquête a été diffusée lundi 4 mars 2024 sur France 5. Elle livre des résultats très inquiétants sur les taux de fibres d’amiante dans les écoles. Cette alerte amiante dans le bâti scolaire a poussé le MENJS à lancer le 4 avril une nouvelle enquête nationale pilotée par la «cellule bâti scolaire» du Ministère.
Pour le Sgen CFDT, il est important pour la santé des personnels qu’elle puisse être menée dans les meilleures conditions et que des données et un état de la situation fiables soient récoltés.
Les premiers retours montrent malheureusement déjà plusieurs ratés : la hiérarchie n’a pas été informée, le mail adressé aux écoles et établissements ne contient pas de logo ministériel et le nom de l’expéditeur « bâti scolaire » n’est pas connu. Résultat : des collègues le mettent directement à la poubelle, pensant qu’il s’agit d’un des nombreux spams reçus quotidiennement…
Des erreurs qui auraient pu être évitées si les représentants du personnel avaient été associés comme c’était le cas dans le cadre de l’ex-Observatoire (voir plus bas).
En parallèle, une démarche est menée auprès des collectivités propriétaires pour que les DTA soient disponibles et mis à jour dans les établissements concernés.
Connaître la situation de son établissement avec le Document technique amiante (DTA)
Tout en regrettant ces erreurs, notre fédération invite les collègues à remplir cette enquête. Un des premiers enjeux est de vérifier la présence ou non du DTA et leur mise à jour conforme à la réglementation dans les bâtiments construits avant 1997 contenant de l’amiante (ou alors un diagnostic faisant état de l’absence d’amiante).
Ce diagnostic doit permettre de connaître l’état des matériaux amiantés dans le bâti, leur dégradation éventuelle et les risques encourus.
Si des risques sont identifiés ils doivent être intégrés impérativement dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), obligatoire dans chaque école et chaque établissement. L’employeur doit y répondre par un plan de prévention.
Les chefs d’établissements et directeurs.rices d’école ne doivent pas être laissé.e seul.e.s pour remplir ce questionnaire dont l’échéance est fixée au 2 juillet prochain, la relation avec la collectivité propriétaire étant parfois compliquée sur ce sujet. Les assistants et conseillers de prévention et IEN dans le 1er degré doivent être à leur côté. Notre fédération, nos élu.e.s et syndicats restent mobilisés sur le sujet. Un groupe de travail spécifique de la formation spécialisée (F3SCT ex-CHSCT) du MENJS avec la cellule bâti scolaire sera réuni le mercredi 22 mai après-midi.
Des informations concernant la santé au travail des agents et la réglementation sont disponibles sur le site de la cellule bâti scolaire. Des recommandations spécifiques adressées aux rectorats et DSDEN figurent dans les orientations stratégiques ministérielles en santé et sécurité au travail 2024 du MENJS.
Un sujet majeur pour la santé au travail des personnels
Pour l’ensemble des actifs en France, les maladies liées à l’amiante représentent aujourd’hui la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail (hors accidents du travail).
Selon un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, d’ici 2050, le nombre de décès par cancer du poumon dus à l’amiante serait de 50 000 à 75 000, auxquels s’ajoutent de 18 000 à 25 000 décès par mésothéliome. Ce chiffre est sous-estimé puisqu’il n’intègre pas les décès par cancer du larynx ou de l’ovaire liés à l’exposition à l’amiante.
Une action syndicale qui se heurte à l’inertie
La problématique concerne tous les champs professionnels du Sgen-CFDT : scolaire, supérieur, jeunesse et sports, enseignement agricole, recherche. Dans l’éducation nationale, la prise de conscience se fait tardivement. Il faut attendre 2005 pour qu’une alerte amiante dans le bâti scolaire soit lancée et un plan spécifique mis en œuvre.
En 2005, un tract du Sgen CFDT intitulé « l’Amiante, un risque professionnel et environnemental » alertait et informait déjà les agents.
Lancé en 2005, le premier plan amiante proposait notamment aux agents un auto-questionnaire pour évaluer leur exposition au cours de leur carrière. Le Sgen-CFDT, avec d’autres organisations, a été très actif sur le sujet dans le cadre des travaux de l’observatoire national de la sécurité des établissements scolaires (ONS). Supprimé par le gouvernement en 2020, l’ONS a été à l’origine de la seule campagne d’identification de l’amiante dans les écoles en 2015 jusqu’à cette année.
82 % des écoles sont potentiellement concernées par l’amiante.
Plus de la moitié ne détiennent aucun des documents d’informations obligatoires.
Des centaines de milliers de personnels et d’usagers sont concernés.
Suite de notre analyse concernant l’enquête nationale « amiante » adressée à aux établissements scolaires en avril 2024.
Les résultats ont été présentés à la formation spécialisée santé et sécurité au travail (F3SCT) du ministère de l’éducation nationale en décembre 2024.

Une situation très inquiétante dans les écoles primaires.
Les 48 000 écoles maternelles, élémentaires et primaires représentent les 3/4 des établissements scolaires.
Elles sont éparpillées dans les 36 000 communes de nos territoires.
Plus de la moitié de celles ayant répondu ne possèdent aucune information (DTA ou fiche récapitulative).
Et qu’en est-il pour l’autre moitié ?
Cette carence met en danger personnels, élèves, agents et travailleurs des services et entreprises qui effectuent des travaux.
Situation différente dans le secondaire où 77 % des collèges et lycées – propriétés des départements et régions – disposent de cette information.
Mais la pour la CFDT, 28 ans après son interdiction, 100% des établissements scolaires devraient disposer des informations réglementaires.
Des milliers d’agents au contact direct de l’amiante
10 639 établissements attestent la présence avérée d’amiante par un DTA ou une fiche récapitulative (pour les autres : absence d’amiante repéré ou d’information).
2018 établissements et écoles déclarent la présence d’amiante de catégorie A, réputée la plus dangereuse (flocage, calorifugeage et faux-plafond).
Cela concerne 1288 écoles et 730 établissements du second degré soit au moins 50 000 personnels en poste selon notre estimation.
Pour 350 d’entre eux, aucune action de prévention n’a été menée ou est connue des personnels.
Et 167 indiquent un état de conservation intermédiaire ou dégradé donc très dangereux.
D’après les réponses, seules 107 d’entre eux feraient l’objet de mesures de protection (encapsulage, retrait ou condamnation des zones concernées).
7860 (5 168 écoles et 2718 établissements) attestent la présence de matériaux de catégorie B (plaques d’amiante-ciment, dalle de sol et conduits).
Seuls 575 auraient fait l’objet de mesures de protection alors que 1599 affirment qu’aucune action particulière n’a été réalisée.
Pourtant, selon nos estimations, au moins 200 000 agents travaillent quotidiennement dans ces locaux.
État de l’amiante : très peu de contrôle périodique
Seuls 472 établissements et écoles concernés indiquent des contrôles périodiques.
Parmi eux, 342 ont assuré bénéficier d’une mesure d’empoussièrement en 2023/2024 (sur 8 353 réponses à cette question).
Défaillance d’information et de suivi médical pour les agents
« Le guide amiante pour les agents » en ligne sur le site du ministère confie aux services de médecine de prévention l’information, la prévention et le suivi médical de ses personnels concernés.
Sauf que la quasi absence de ces services en raison d’effectifs squelettiques et malgré le dévouement de ses personnels rend totalement inopérant ces actions.
La CFDT alerte depuis des années sur cette situation.
Le rôle du médecin traitant doit être interrogé pour assurer un suivi médical réel des agents au cours de leur carrière et pendant leur retraite.
L’auto questionnaire amiante destiné aux agents n’est pas opérationnel.
La plupart des agents ne peuvent retracer eux-mêmes leur éventuelle exposition au cours de leur carrière.
Cette enquête confirment que des milliers d’agents actifs et retraités
sont susceptibles d’être exposés ou d’avoir été exposés à l’amiante.
Leur suivi médical est défaillant.
Au moins 200 000 agents travaillent quotidiennement dans ces locaux.
La CFDT réclame des mesures d’urgence.
* les établissements et écoles peuvent continuer à remplir cette enquête.