Dès l’annonce des resultats du premier tour, la CFDT a appele a voter pour Emmanuel Macron.
Non par adhésion mais par raison. L’extreme droite n’a jamais été et ne sera jamais une option pour nous.
La réélection du president lui donne la légitimité du pouvoir. II la doit a ses partisans. Et aussi a l’esprit de responsabilité de nombreux electeurs qui ne partagent pas son programme mais rejettent par-dessus tout le Rassemblement national et tout ce qu’il représente. IIs lui ont donné leurs votes mais pas leurs voix. M. Macron doit maintenant les écouter.
Ces voix, ce sont celles d’une société fatiguée. Une societe qui croit malheureusement de moins en moins a la démocratie et a l’efficacité de l’action publique. La défiance, l’absence de perspectives face aux defis posés par la mondialisation et la nécessaire transition écologique, le sentiment d’abandon d’une partie de la population ne peuvent pas rester sans reponse. Il faut de la considération, de l’écoute, du respect. Le président doit prendre cette situation en compte. Et il doit le faire maintenant!
Si nous avons une responsabilité collective pour trouver les reponses a ces défis, il a la responsabilité d’apaiser, de réparer, de rassembler le pays. Cela ne se fera pas sans un cap clair vers un nouveau modele de developpement placant le progress social, la justice, le respect de l’environnement et le vivre- ensemble au coeur des solutions. Un cap clair qui refonde notre pacte social, le rend plus adapte au XXI siecle en repondant aux besoins de protection et d’emancipation des travailleurs.
Construire ce nouvel équilibre entre performance économique, justice sociale et transition écologique est la seule voie possible. En l’accompagnant d’une revitalisation démocratique conjuguant démocratie representative, democratie citoyenne et democratie sociale, nous le pensons réalisable. Emmanuel Macron y est-il prêt ? Va-t-il se recroqueviller sur la certitude de quelques-uns, comme cela a trop souvent ete le cas ces cinq dernières années ? Ou va-t-il enfin ouvrir des espaces de dialogue pour donner goût au pouvoir d’agir ensemble du national au local?
Les attentes sociales et citoyennes sont trop fortes pour etre traitées avec mépris ou indifference. Notre rôle, c’est de l’alerter aujourd’hui sur les risques qu’entrainerait la reproduction des méthodes d’hier. Une societe juste et durable Il doit ecouter ces voix. Les écouter réclamer de pouvoir vivre dignement de leur travail en rééquilibrant une répartition de la richesse qui penche beaucoup trop du côté du capital. Les écouter exiger un investissement massif dans une transition écologique juste, qui prenne a bras-le-corps le futur de notre planete sans laisser personne sur le bord de la route. Ecouter ces travailleurs du privé et du public, essentiels a notre société et qui pourtant recoivent des salaires beaucoup trop faibles. Ecouter leur volonte d’exercer un métier qui émancipe, qui préserve leur santé. Ecouter leur revendication pour plus de pouvoirs dans les entreprises ou les administrations pour influencer les décisions qui les concernent. Ecouter le souhait exprimé d’un systeme des retraites plus juste sans nouveau report de l’âge legal de départ – solution simpliste et inutile – qui pénaliserait les travailleurs les plus fragiles. Ecouter l’appel des jeunes à pouvoir vivre dans une société qui leur donne les moyens de leur émancipation et leur place dans nos choix collectifs. Ecouter le cri silencieux des plus pauvres qui veulent etre respectés, accompagnés et pas stigmatisés… C’est ainsi que le président mettra en mouvement toutes les energies disponibles pour combattre ce qui mine notre société : le recul du commun, l’accentuation des inegalités et l’absence de projection dans une société juste et durable.
Les travailleurs en ont assez des ordonnances, des lois et des decrets imposes d’en haut. Combien de fois au cours du dernier quinquennat avons-nous denonce une methode qui consistait a attendre le 20 heures d’une chaine de télévision pour connaitre le contenu d’une décision ? Cette gouvernance verticale est archaique. Elle ne répond en rien aux aspirations de citoyens qui réclament plus d’association aux décisions qui les touchent en premier. IIs vous l’ont suffisamment fait savoir au cours du dernier mandat. IIs l’ont egalement exprimé par leurs votes. Vous devez davantage écouter et entendre les acteurs prêts à sortir des postures et à s’engager. Vous n’en etes pas le seul responsable, mais notre système démocratique a trop longtemps boité, se reposant sur le politique tout en négligeant les corps intermediaires, dont le dernier accord prouve leur capacité à construire ensemble. Reconnaissez les ! Il ne peut pas y avoir de démocratie sans démocratie sociale. La CFDT ne lachera pas. Soyez en sur : elle sera présente tout au long du quinquennat qui s’ouvre pour porter les aspirations et les revendications des travailleurs par la methode qu’elle privilegie, le dialogue. Ne l’obligez pas, monsieur le president, à les exprimer par tout autre moyen qu’un exercice bloqué du pouvoir imposerait. Notre appel est ferme mais constructif : entendez-le!
Laurent Berger (Secretaire general de la CFDT)