Dans sa conférence de presse de rentrée 2024, la ministre a présenté de nombreuses mesures pour l’année scolaire. Pourtant, certaines ne pourront pas voir le jour en l’état. La CFDT décrypte le vrai du faux.

Le flou qui entoure la rentrée 2024 ne se résume pas uniquement au choix d’un premier ministre, mais aussi dans les annonces de la ministre démissionnaire de l’Éducation Nationale. Ainsi, annoncer la mise en œuvre de mesures alors que le gouvernement a démissionné et que les textes ne sont pas publiés, c’est leurrer les personnels de l’Éducation nationale. Pour la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques, il est plus que nécessaire de mesurer les conséquences du nouveau paysage politique. Le gouvernement ne peut plus s’engager sur des réformes et le prochain gouvernement devra tenir compte des délais nécessaires pour la mise en œuvre des mesures qu’il voudra (re)prendre.

Faisons le point sur la réalité des annonces ministérielles.

La mise en place de groupes de besoin en français et maths au collège est effective : VRAI et FAUX

Les textes à ce sujet ont été publiés, y compris pour leur généralisation aux classes de 4e et de 3e à la rentrée 2025 (Arrêté du 15 mars 2024 modifiant l’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège et note de service du 15-3-2024).

Le Code de l’éducation confie au conseil d’administration la mission d’organiser les classes et groupes, ce qui permet aux établissements d’adapter ce dispositif. Mais en réalité, la mise en œuvre de groupes à effectifs réduits et adaptées aux besoins des élèves, permettant de les faire progresser tous se heurtent à des limites bien réelles, à commencer par la faiblesse des moyens accorder aux collèges, en passant par l’absence de temps de concertation ou de formations axés sur la pédagogie en effectifs restreints par exemple. Dans ces circonstances, la CFDT reste opposée à ce dispositif qui alourdit l’organisation des établissements et le travail des agents.

Rappelons que la CFDT Éducation Formation Recherches Publiques a saisi le Conseil d’état sur le fondement juridique de cette modalité qui contrevient au principe d’autonomie des établissements. La procédure est toujours en cours.

La part des épreuves terminales va augmenter pour l’obtention du Diplôme National du Brevet (DNB) à la session 2025 : FAUX

La volonté de passer la part de l’examen terminal à 60 % au lieu des 50 % actuel est, selon la Ministre, une reconnaissance du rôle d’évaluateur de l’enseignant. Elle annonce que cette mesure sera mise en œuvre pour l’examen 2025 ce qui n’est réglementairement pas possible. En effet, pour la rendre effective, il aurait fallu que le texte soit publié avant le 1er septembre, date de début de l’année scolaire 2024-2025. Or, les textes réglementaires n’ont toujours pas été présentés dans les instances de concertation et ne pourront pas être publiés par la ministre démissionnaire. Il appartiendra au prochain ministre de faire aboutir ou non cette mesure. Cette évolution n’est pas soutenue par la CFDT, car elle fait disparaître l’évaluation par compétence et le socle commun de connaissance et compétence.

Le DNB est obligatoire pour le passage en Seconde : VRAI et FAUX

Les textes rendant obligatoire le DNB pour le passage en classe de Seconde ont déjà été présentés au CSE. Ils ont été largement rejetés. Mais ils peuvent donc être publiés.
Par contre, la préfiguration de la classe préparatoire à l’année de Seconde constitue un échec que nous avions dénoncé : près de 1000 élèves sont scolarisé⋅es dans ces classes proposées par 90 établissements, soit environ 9 élèves par classe. Dans les circonstances budgétaires actuelles, la généralisation de cet échec relèverait d’un entêtement dogmatique.

La CFDT s’oppose à cette mesure. Le parcours scolaire d’un collégien ne doit pas être freiné mais accompagné.

Des nouveaux programmes de maths et français en cycle 1 et 2 s’appliquent et les enseignants doivent y être formés : FAUX

Les nouveaux programmes de maths et français de cycle 1 et de cycle 2 ont été largement rejetés par le Conseil Supérieur de l’Éducation. La volonté du Ministère était de les rendre opérationnels dès la rentrée 2024. La CFDT s’était fortement opposée à cela, le délai d’appropriation pour les personnels étant trop court, à quelques jours du départ en vacances.
La dissolution a reporté la publication de ces programmes. La Ministre démissionnaire a déclaré qu’elle ne les publierait pas dans la période d’incertitude actuelle. Ils ne pourraient donc s’appliquer qu’à la rentrée 2025, si le prochain gouvernement les publiait.
Lors de la conférence de presse, la ministre démissionnaire a annoncé la mise en place de formations sur ces programmes, non publiés à ce jour.  Les IEN, les conseillers pédagogiques ne pourront pas mettre en œuvre des formations, former les enseignant⋅es tant que ces textes ne seront pas officiels.

Une pause numérique est instaurée au collège : FAUX

C’est le chiffon rouge médiatique de la rentrée 2024 qu’agite la ministre pour détourner l’attention des vraies difficultés.

Rappelons donc que les téléphones portables sont interdits depuis 2018 et qu’il existe déjà des établissements qui dans le cadre de leur autonomie, et de leur projet d’établissement, ont fait ce choix et dans lesquels les collégien⋅nes déposent leur téléphone mobile à l’entrée. Mais la mise en œuvre plus large, voire la généralisation en janvier 2025 de la mesure, est très improbable. Les collectivités territoriales n’ont pas été associées alors qu’elles devraient financer les équipements pour stocker les téléphones. La mesure pose aussi des problèmes en matière de responsabilité qui appellent probablement une réglementation qui n’existe pas. On rappelle cependant aussi que le harcèlement n’est pas causé uniquement par l’utilisation des téléphones portables.

La CFDT s’oppose à cette généralisation et fait confiance aux collectifs de travail pour faire appliquer la loi de 2018 et mettre en place une politique éducative adaptée à l’usage de l’ensemble des outils numériques.

Les évaluations annuelles sont obligatoires du CP à la 3ème : VRAI et FAUX

Les évaluations nationales standardisées sont bien obligatoires du CP au CM2 à cette rentrée. Initialement, cette généralisation devait s’étendre jusqu’à la 3ème mais en 5ème et 3ème, elles seront facultatives. La CFDT s’oppose depuis leur mise en place, en 2018, à ces évaluations nationales obligatoires. Avec une systématisation annuelle, ces évaluations normatives vont à l’encontre de la logique des cycles à laquelle la CFDT est attachée. En remettant en cause le droit, pour chaque élève, de progresser à son rythme sans être mis en situation d’échec d’année en année, elles nient le fondement d’une école inclusive et dessinent une école qui n’est pas pour toutes et tous. Elles mettent en tension les personnels, pris en étau entre l’injonction à atteindre une norme et la mission d’inclusion de tous les élèves. Enfin, la procédure impose une charge de travail supplémentaire pour les professeur·e·s des écoles qui n’est pas reconnu.

La CFDT écrit aux services du ministère pour demander le caractère facultatif de ces évaluations. À défaut, nous demandons, dans le premier degré, une décharge d’enseignement du temps de classe de 9h (3 demi-journées) ou une rémunération équivalente à 9h, au choix de l’enseignant.

La CFDT, avec l’intersyndicale, soutient les équipes pédagogiques décidant d’actions pour exprimer leur opposition au caractère obligatoire de ces évaluations et met à leur disposition un courrier pour expliquer cette opposition aux parents d’élèves.

Le concours de recrutement des enseignants aura lieu à BAC + 3 : FAUX

Rien de changé pour la rentrée 2024. Pour la session 2025, les concours externes de recrutements restent positionnés en fin de master (M2) et la formation initiale se déroule toujours à l’INSPE au sein des masters MEEF. Du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale puis de la démission du gouvernement Attal, Nicole Belloubet n’a pas été en mesure de signer à temps l’ensemble des décrets qui repositionnaient les concours de recrutement en fin de L3. Après moult rebondissements, la réforme de la formation initiale des enseignant.e.s ne sera pas allée jusqu’à son terme. Bercy porte la lourde responsabilité d’avoir refusé jusqu’au bout de soutenir l’indispensable effort financier pour permettre une juste rémunération des lauréat.e.s du concours en première année de master (M1). En revanche, les contrats AED-préprofessionnalisation, eux, ont bien été supprimés et les étudiant.e.s de L2 de cette année ne peuvent plus bénéficier d’une expérience professionnelle intéressante et bien rémunérée. Il appartiendra au prochain gouvernement de relancer le dialogue à la fois sur la formation initiale des enseignant.e.s et sur les concours de recrutement. Ces sujets ne trouvent toujours aucune issue satisfaisante malgré toutes les réformes de ces quinze dernières années.

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